Writing Prompt n°2

"With that she walked into the rain and didn't look back.
That was the last time anyone ever saw her" par Tomiadeyemi.com, trouvé sur Pinterest.

Traduction: "Puis elle sortit sous la pluie sans un regard en arrière. Ce fut la dernière fois que quiconque la vit."

Chérit par La Déesse.


Dans le village, tout le monde aimait Ëidlyn. Elle était douce et belle, toujours prête à aider. Les cœurs troublés s'apaisaient en sa présence et le mien doublait de cadence. Un halo de lumière l'entourait toujours et, bien que tout le monde connaisse ses parents, on doutait parfois qu'elle soit humaine.


Elle ne parlait pas beaucoup. Au début, lorsqu'elle m'accompagnait pêcher, j'essayais de combler le silence. Mais avec Ëidlyn le silence n'était pas signe de stupidité. Alors je me taisais et de temps à autres je regardais ses cheveux de la couleur de l'écume flotter dans le vent.
Pendant longtemps, ses parents l'avaient pensé muette. Ëidlyn n'était pas muette; sa voix était merveilleuse. Elle n'était pas timide non plus, elle aimait seulement écouter.

Parfois, Ëidlyn chantait.
Non.
Non, Ëidlyn ne chantait pas "parfois". Lorsqu'elle chantait, c'était les soirs de pleine lune, debout sur les rochers qui surplombent la crique. Personne ne la dérangeait dans ces moments surnaturels.
Puis, une fois, j'ai décidé de rester la regarder.

Les rayons lunaires jouaient avec ses cheveux. Sa voix emplissait l'air et faisait frémir les vagues. Le vent s'était tu. Les chants d'Ëidlyn se prolongèrent jusqu'à ce que le ciel soit dénué de nuages. Je ne l'avais jamais vu si sereine.
Lorsque la dernière note roula sur sa langue, le temps reprit son cours. 
Et une chose curieuse arriva.
Des gouttes scintillantes, remplies de la lumière de la lune, se mirent à tomber. Ëidlyn sourit, de ce si beau et grand sourire qu'elle ne montrait qu'à l'occasion de célébrations.

Même si l'on refusa de me croire, je sais ce que je vis cette nuit-là. 

La déesse Acloona, la protectrice de notre village, gardienne des océans et des âmes des marins perdus en mer, notre déesse, La Déesse, descendit auprès d'Ëidlyn, qui ouvrit grand les bras à son approche, et l'étreignit. Il me sembla assister à la réunion d'une mère et de sa fille après des siècles de séparation. La beauté de la scène me coupa le souffle.

Après un temps que je ne saurais définir, elles s'éloignèrent l'une de l'autre. Notre Déesse fit une dernière caresse sur les cheveux d'Ëidlyn, puis elle remonta dans son char et les étoiles du sud la tirèrent vers le firmament.
Ëidlyn pleurait en silence lorsque je la rejoignit.

Vint le jour où il fallu choisir un époux pour Ëidlyn.

L'orage grondait aussi fort que les voix dans la salle commune du village.
Les chefs guerriers voulaient que l'alliance soit faite avec le général Plu, qui possédait la plus grande flotte du continent. Ainsi, en cas de guerre, la protection et la victoire seraient assurées au village. Mais les sages auraient voulu la marier à un gardien du Temple des Eaux de la capitale pour assurer la sécurité de ceux qui prendrait le large.
Les parents d'Ëidlyn étaient tiraillés entre les deux camps. Eux voulaient marier Ëidlyn à un garçon d'un village voisin issu d'une bonne famille de pêcheurs.
Je n'ai jamais été considéré comme un gendre potentiel, pas plus que les autres garçons du village. Ëidlyn n'appartenait pas à notre monde.

Je me suis tournée vers l'intéressée qui se tenait en retrait.

"Qu'est-ce que tu souhaites, Ëidlyn ?"

Les conversations s'interrompirent.
Seul le souffle du vent persistait à l'extérieur. Tous attendaient la réponse qui pencherait la balance en leur faveur.

"Je ne veux pas me marier."

Voix claire et posée comme si elle énonçait une évidence.
Il y eu un moment de flottement puis l'irritation éclata. Ceux qui planifiaient son avenir débattaient depuis des heures. Cette réponse était absurde et impossible à recevoir. Ils la traitèrent d'enfant déraisonnable, de jeune fille capricieuse.

Moi, je savais pourquoi elle ne voulait pas se marier: une femme mariée ne peut chanter que pour son époux. C'était une vieille tradition, une tradition stupide à laquelle personne n'échappait. Je savais que jamais je ne pourrais lui faire vivre un tel supplice, pas après avoir vu ce que je vis cette nuit-là.

"Je t'aime, Ëidlyn."

Ce ne fut qu'un murmure.
Elle me prit la main. Ses yeux pâles restèrent accrochés aux miens longtemps, malgré les grondements sourds qui vibraient dans mon dos. Ses yeux étaient tristes, tristes pour moi, tristes pour ma peine à venir.

"Je te souhaite d'être heureuse."

Encore aujourd'hui, je ne sais pas qu'elle force me souffla qu'il était temps de lui dire au revoir. J'ai une idée concernant la réponse, mais comment pourrais-je en être sûr ?

Des têtes se tournèrent dans notre direction lorsqu'Ëidlyn déposa un baiser sur ma joue. Sa main lâcha la mienne tandis que des murmures de désapprobation s'élevaient à mon sujet. Ëidlyn me sourit, salua l'assemblée d'un mouvement de tête et d'un discret sourire, tourna les talons, puis elle sortit sous la pluie sans un regard en arrière.
Ce fut la dernière fois que quiconque la vit.

Le temps a passé, mais comment ne pas penser à elle ? Elle dont la voix était dédiée à Acloona. Elle qui était chérit par La Déesse… 

Parfois, je vais m'asseoir sur les rochers surplombants la crique.
Non, pas "parfois".
Lorsque la lune est pleine dans le ciel, là, je vais m'asseoir où Ëidlyn chantait. Je contemple la ligne de l'horizon jusqu'à ce que le ciel soit dénué de nuages, puis je ferme les yeux et je fredonne un air. Et alors, il me semble entendre une voix s'élever, un chant dédié à la lune, flottant, invisible, sur la crête des vagues.



Où Ëidlyn est-elle selon vous ?

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